tag:blogger.com,1999:blog-42515271067909745122024-03-13T13:34:50.372+01:00JORDANE PRESTROTBlog de Jordan Prestrot, artiste, écrivain, poète, photographe, vidéaste, musicien...Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comBlogger338125tag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-89685057167826536422011-05-18T14:07:00.007+02:002011-05-18T14:49:45.402+02:00Message important : ce blog ne sera plus mis à jour<blockquote><p align="justify">Chers visiteurs, chers abonnés, <br /><br />Suite à la mise en ligne de mon nouveau site, ce blog ne sera plus mis à jour. Rendez-vous donc sur « <a href="http://j.nadroj.free.fr/">Le Network de Jordan Prestrot</a> », conglomérat de sites hébergés sur Free, Blogger et Tumblr. <br /><br /><a href="http://prestrot.tumblr.com/">Un blog d'actualité</a> équipé d'un <a href="http://prestrot.tumblr.com/rss">flux RSS</a> a été récemment mis en ligne pour vous permettre de suivre les futures mises à jour facilement. N'hésitez pas à vous abonner !<br /><br />En vous remerciant bien de m'avoir suivis jusqu'ici, je vous donne donc rendez-vous là-bas, pour de nouvelles aventures !</p></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-60577797497838645522011-05-03T14:12:00.000+02:002011-05-03T14:13:54.875+02:00Les Puces (quatrième partie)<div align="right"><small>(Pour lire la première partie de ce texte, cliquez <a href="http://jordanprestrot.blogspot.com/2010/12/les-puces.html">ici</A>.)</small></div><br /><blockquote><p align="justify"> L’arbitre a sifflé le début du match, Gérald s’est retourné vers la pelouse et n’a pas attendu ma réponse. Tant mieux. Sur le moment, je ne savais vraiment pas quoi lui dire. Je ne l’avais pas vu venir, ce coup-là. <br /> J’ai commencé à me sentir mal et à un moment, j’ai cru que c’était la gastro. J’ai un peu paniqué à l’idée de devoir dégobiller dans les parages. Je m’y voyais déjà, malade comme un chien, devant témoins, à devoir appeler Carole au secours… Mais en fait, ce n’était qu’un coup de stress. L’émotion, quoi. Tandis que Gérald commentait le match, j’ai fait un exercice de yoga que Carole m’avait montré : profonde inspiration, lente expiration, circulation de l’air. « Mais fais la passe, nom de Dieu ! » Et puis, il y a eu une averse. <br /> Comme il n’y avait pas de place pour moi sous le petit parapluie de Géraldine, j’ai pu lâcher Gérald pour aller m’abriter ailleurs. « Tu aurais dû venir avec ta femme, a-t-il rigolé. Elles prévoient toujours ce genre de truc. <br /> — Je suis venu avec sa voiture, répliquai-je, crispé. Il doit bien y avoir un parapluie dedans. <br /> — Et un tube de rouge à lèvres aussi, sûrement ! »<br /> J’ai ricané et j’ai couru jusqu’au parking pour me réfugier dans la Mini.<br /><br /> Machinalement j’ai empoigné le volant et j’ai commencé à me parler à voix haute. « Allez, calme-toi, Jean-Marc… Tout est sous contrôle… Voilà. Respire. Calmos. » La pluie s’étalait sur le pare-brise. Ça disloquait tout le paysage. La pression retombait un peu. « Bon… il n’y a vraiment aucune raison valable de s’alarmer… Ça complique un peu la donne, c’est sûr, mais ça ne me rend pas plus coupable aux yeux de qui que ce soit… La version officielle tient toujours… Des gitans ont volé ma voiture et ont percuté la gosse… Que ça soit la sœur d’un copain de Matthis, ça ne change absolument rien… » Je me suis mis à tripoter mon paquet de cigarettes au-dessus du volant, hésitant à en griller une à l’intérieur de la voiture — exceptionnellement. Mais je me suis dit que Carole m’en voudrait vraiment. Pourtant, une petite odeur de clope qui part vite fait, ce n’est pas si important, surtout compte tenu des circonstances. Et puis ça m’a énervé. C’était vraiment pas prioritaire, comme question ! J’ai rangé le paquet de clopes et j’ai repris mon monologue. « Alors, qu’est-ce que je fais maintenant ? Putain, si seulement c’est moi qui étais malade… J’en saurais rien et j’en serais pas là ! Mouais… Ça nous avance beaucoup ce genre de raisonnement… Bon… S’il continue de pleuvoir comme ça, le match va être suspendu. Ça, ça m’arrangerait bien… En attendant, il vaut quand même mieux que je me prépare. Alors... Prenons les choses dans l’ordre. Premièrement, qu’est-ce que je crains ? Je crains d’être démasqué. Mais encore ? Je… Putain ! Jean-Marc ! Concentre-toi ! De quoi tu as peur ? J’ai peur d’aller en prison. Et dans le cas présent, est-ce qu’il y a un risque imminent ? Pas si je n’ai pas l’air suspect. Très bien. Alors quel est le meilleur moyen de ne pas avoir l’air suspect ? C’est de ne pas se comporter comme un suspect. Et comment ça se comporte, un suspect ? Eh bien, ça joue sur plusieurs tableaux en même temps, ça pense à la place des autres, c’est parano, ça manipule tout le monde dans tous les sens et ça se laisse piéger tout seul comme un con. Donc il faut faire tout le contraire. C’est-à-dire ? Il faut que je fasse tout comme dans la version officielle. Jean-Marc Lambert s’est fait volé sa voiture, jeudi soir… Non ! Il a découvert qu’on avait volé sa voiture, jeudi soir ! Vendredi, la police retrouve sa voiture mais il ne peut pas la récupérer car elle est sous scellés : une gamine a été écrasée avec. Maintenant, samedi, match du fiston, Jean-Marc Lambert apprend que la sœur d’un copain de son fils s’est faite écraser le jour où il s’est fait voler sa voiture. Quelle coïncidence ! Peut-être que c’est la même fille ! Maintenant, que fait le Jean-Marc Lambert innocent en réalisant cela ? Il ne va sans doute pas en parler ! Non ! Ça ferait beaucoup trop d’histoires inutiles et beaucoup trop d’ennuis ! Sauf que… sa femme Carole avec son réseau de commérages finira bien par apprendre la même chose et elle, sur le coup de l’émotion, elle ne manquera pas de révéler la coïncidence. Alors, il vaut mieux que je le dise à Gérald… Attends, attends, tu recommences à te comporter comme un suspect, là ! Le Jean-Marc Lambert innocent, il n’anticipe pas ce coup-là. Il se fait baiser par sa femme et il passe pour un gros con qu’a pas de cœur… » Je suis resté abasourdi par ma propre réflexion. J’avais pas particulièrement l’habitude de m’envoyer des vacheries dans la gueule… « Mais s’il continue de pleuvoir, me rassurai-je, je peux éviter de passer pour un salopard. J’aurais rien dit par manque de temps, c’est tout… » J’ai regardé dans le rétro : derrière le grillage, les gamins continuaient de s’agiter en maillots jaunes et rouges. « Je peux toujours limiter la casse en prévenant Carole moi-même… en lui disant de garde le secret, pour éviter les problèmes… Sauf que, très honnêtement, je crois pas que le Jean-Marc innocent le ferait… Ce qui veut dire que le Jean-Marc innocent, il a quand même l’air vachement suspect… » <br /> Je me suis massé le front. C’était vraiment complexe. Et ça s’agitait toujours dans le rétro. Ils étaient bien partis pour aller jusqu’au bout de la rencontre… J’ai commencé à danser des pieds, j’étais bien emmerdé. Et puis j’ai décidé de décrocher une bonne fois pour toute ce putain de panda à la con ! J’en avais pour des mois au volant de la Mini, j’allais tout de même pas me le taper tout durant ! Tant que je ne me faisais pas prendre, en tout cas… J’ai baissé la tête en soupirant et j’ai laissé le panda à sa place finalement. Il s’était arrêté de pleuvoir. <br /><br /> Je suis sorti de la voiture et je me suis approché du terrain. J’ai fumé une cigarette derrière le grillage. J’ai vu Matthis tout dégoulinant qui me cherchait d’un air inquiet dans les gradins. « Matthis ! Je suis là ! » J’ai crié. Il a tourné la tête vers moi et s’est mis à sourire. Du coup, il a laissé l’attaquant adverse se démarquer, recevoir la passe en profondeur et mettre un but au petit Lucas… J’ai pas pu m’empêché de faire la grimace et Matthis m’a regardé l’air complètement désarçonné. J’avais l’impression qu’il avait envie de pleurer. J’ai pas eu le temps de trouver quelque chose à dire ou faire pour le consoler que son entraîneur lui passait un savon et me privait de toute son attention. <br /> J’ai contourné le grillage et j’ai rejoint Gérald dans les gradins. « Pas de parapluie ? m’a-t-il demandé. <br /> — Non ! Toutes les femmes ne sont pas aussi prévoyantes ! »<br /> En fait, Carole était tellement prévoyante qu’elle avait pris soin de déplacer son parapluie dans la voiture de son père puisque c’était celle qu’elle utilisait en ce moment… <br /> « Ça fait même pas un quart-d’heure de jeu et on s’est déjà pris deux buts !<br /> — Oui, j’ai vu le deuxième… Mais je suis coupable… Je veux dire c’est ma faute : j’ai interpellé Matthis parce que je voyais qu’il me cherchait. <br /> — Ah ouais ? Et tu veux pas essayer d’interpeller les défenseurs de l’autre équipe pour voir ? »<br /> Il avait l’air de rigoler comme ça, Gérald, mais je sentais bien que ça le faisait chier que nos fils perdent leur match. On a continué d’échanger des bribes de conversation, surtout à propos du match. Ce fut long et pénible. Un moment comme ça où l’on préfèrerait encore aller chez le dentiste…<br /><br /> À la fin de la première mi-temps, l’AS P/A menait 4-1. « Eh beh ! C’est pas glorieux ! a dit Gérald. <br /> — Non, pas très…<br /> — Après, tu me diras, s’ils continuent comme ça en deuxième mi-temps, mathématiquement, ça sera moins sévère que la dernière fois. Ça ferait 8-2. La dernière fois, ils avaient perdu 10-1 ! Tu te rends compte ? 10-1 ! J’ai jamais vu ça, moi !<br /> — Alexis en était malade, a ajouté Géraldine. Comme il est capitaine, il se sentait responsable. <br /> — Alors moi je lui ai dit, a repris Gérald, que c’était quand même lui qui avait sauvé l’honneur en marquant le seul but pour son équipe !<br /> — Et là qui c’est qui a marqué ? <br /> — C’est Rayan, le petit Arabe, là. Numéro 9. <br /> — Ah ouais, je l’ai vu. Il est bon, lui. Il court vite.<br /> — Tu m’étonnes… Ses grands frères aussi, ils courent vite… Cette semaine, on en a coursé deux, des dealers de shit. Putain, ils ont décampé à une vitesse… » <br /> Et Gérald s’est mis à remuer la tête, en silence. « Et vous les avez eus ? j’ai demandé<br /> — Non ! Ils sont montés dans un immeuble du quartier. On risquait de se faire caillasser. Et puis ce gros con de préfet nous a donné l’ordre d’éviter les provocations. Genre c’est nous qui provoque ! De toute façon, maintenant, ils se cachent chez les nourrices ou les vieux qui ont rien à voir avec le trafic. Elle est belle, la France, je te le dis… »<br /> J’ai acquiescé. Finalement Carole avait peut-être raison de vouloir mettre les enfants dans un collège privé. C’était une dépense supplémentaire, bien sûr, mais avec toute cette insécurité, c’était sans doute nécessaire. « Les mecs, reprit Gérald, ils préfèrent faire du chiffre avec la sécurité routière. Mais là-bas, toute la racaille roule sans casque sur des scooters volés et on nous dit de fermer les yeux. On est juste là pour faire de la figuration… »<br /> J’aimais pas trop le terrain où cette conversation nous amenait. J’ai commencé à transpirer un peu et soudain, j’ai eu comme un flash. Tout comme Gérald, et comme tout le monde en général, le Jean-Marc Lambert innocent aime se faire plaindre. D’ailleurs, il n’avait pas manqué de le faire avec Olivier, l’informaticien du boulot. Alors, j’ai décidé de tenter quelque chose. « Tu sais que je suis venu avec la voiture de ma femme, ai-je dit, mais ce que tu ne sais pas c’est que c’est parce qu’on m’a volé la mienne !<br /> — Sérieux ? <br /> — Ouais. »<br /> Voilà, maintenant c’était engagé. Et une partie de moi regrettait déjà tandis que l’autre insistait pour continuer puisque c’était ce qu’il y avait de plus innocent à faire, d’autant plus avec un policier. « Tes collègues m’ont dit qu’ils soupçonnent les Roms. <br /> — C’est pas impossible, ça. On a pas mal de cambriolages depuis qu’ils se sont installés. <br /> — M’en parle pas… Lorsqu’on était en vacances, j’ai pas arrêté d’y penser. Et en rentrant, je croisais les doigts sur l’autoroute pour qu’on nous ait pas cambriolé…<br /> — Tu sais que tu peux demander à la police de surveiller ta maison pendant ton absence ? Tu vas au poste, tu remplis un petit formulaire, et finis les tracas. Ça, le préfet veut bien qu’on le fasse…<br /> — Ah ? O.K. C’est bon à savoir… J’avais un voisin qui passait une fois par jour pour nourrir le chat… Mais bon, une fois par jour, ça laisse pas mal de temps aux cambrioleurs, surtout la nuit… Alors, si la police peut surveiller un peu… <br /> — Et pour ta voiture, y a une enquête. Ç’en est où ? <br /> — Bah, ça y est, ils l’ont retrouvée…<br /> — Ah ! Brûlée ? <br /> — Désossée de l’intérieur… Plus de sièges, plus rien. <br /> — Ah ouais… Elle est réparable ou tu l’envoies à la casse ? <br /> Et voilà, j’atteignais le moment fatidique. J’allais lâcher le morceau au détour de la conversation. Et je laisserais Gérald seul juge de la coïncidence. « Bah, j’en sais rien… Elle a été mise sous scellés.<br /> — Oh !<br /> — Apparemment, il y a une affaire d’homicide qui se greffe à mon histoire de vol. »<br /> Maintenant que c’était dit, j’ai eu l’impression que le temps était suspendu. J’ai scruté le visage de Gérald. C’était comme un ralenti dans un film, mais en vrai. Ses lèvres se sont entrouvertes et mon cœur s’est arrêté. « Tu n’imagines pas le nombre de fois que ça arrive, a dit Gérald. Les accidents de la route, j’en ramasse trois ou quatre chaque semaine. Souvent des blessés et de temps en temps des morts. Et quand je les ramasse pas, j’en entends parler. Regarde la sœur de Nicolas et maintenant ton histoire ! »<br /> J’en revenais pas qu’il ne fasse pas la connexion. « C’est clair ! » me suis-je forcé à répondre. Et tout d’un coup, je me suis senti tellement soulagé, tellement heureux de pouvoir si facilement tromper mon monde, tellement ivre de mon pouvoir que j’ai ajouté : « Parce que moi qui bosse dans un tout autre secteur, j’avais pas l’impression que ça arrivait si souvent. Si bien que quand tu m’as dit que la sœur de Nicolas s’était faite faucher, j’ai eu peur que ce soit avec ma voiture ! » Et malgré moi, je crois que j’avais une sorte de sourire un peu étrange. « Bah, ça on peut le savoir, a répondu Gérald. Si tu me donnes ton numéro d’immatriculation, je regarderai. Quand est-ce qu’on t’a volé ta voiture ? <br /> — Euh… Jeudi. <br /> — C’est le jour où la fille Maréchal est morte, a dit Géraldine. <br /> — Oui », a dit Gérald.<br /> Gérald a pris mon numéro d’immatriculation et mon numéro de téléphone portable. Il a dit qu’il m’appellerait dès qu’il saurait. Et me voyant pâlir, Géraldine m’a demandé si ça allait. Alors j’ai dit : « Au commissariat, ils m’ont dit que la victime était une adolescente. Ça m’a déjà fait un choc, mais si en plus, c’est la sœur de Nicolas… » Alors Gérald m’a dit que considérant l’endroit où on m’avait volé la voiture et l’endroit où on l’avait retrouvé, c’était peu probable. « Tu comprends, a-t-il ajouté en traçant un schéma du doigt au creux de sa main, ça ferait un crochet par le Sud… C’est sans queue ni tête. »<br /> Alors la partie de moi qui ne voulait rien dire s’est mise à engueuler l’autre. À vouloir jouer aux malins, je m’étais complètement saboté. L’arbitre a sifflé la reprise du jeu. Ces quarante prochaines minutes s’annonçaient plus longues encore que les précédentes. Je suis resté un moment sans rien dire puis j’ai laissé Gérald pour aller fumer une clope. <br /> En fait, j’en ai fumé trois. Comme un pompier. Le long du terrain. Je regardais mon fils courir dans son short tâché de boue. Qu’est-ce qu’il jouait mal... Comme son papa ! Erreurs de placement sur erreurs de marquage, il avait vraiment une super mauvaise lecture du match… Il était temps que cela se termine. Car c’était trop lamentable. </p><br /></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-88688712753283693022011-05-01T14:09:00.001+02:002011-05-01T14:09:45.113+02:00Cousin<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5675661128/" title="Cousin de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5266/5675661128_8e41884f9a_z.jpg" width="640" height="433" alt="Cousin"></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-38336564808474818392011-04-26T23:00:00.004+02:002011-04-26T23:03:59.925+02:00Nouveau site<a href="http://j.nadroj.free.fr/" target="_blank"><img src="http://j.nadroj.free.fr/nouveausite.JPG" /></a><br /><blockquote>Pour les aventuriers — il y en a encore à bout de clic — j'ai monté un nouveau site à explorer. Mais ce n'est qu'un début, ça... Ça ne fait que commencer. <a href="http://j.nadroj.free.fr/" target="_blank">Cliquez ici</a>.</blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-62240528556033736182011-04-04T12:37:00.000+02:002011-04-04T12:38:08.562+02:00Altkirch<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5571144694/" title="Sans titre de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5028/5571144694_eabc15f94b_z.jpg" width="640" height="488" alt=""></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-43110417539087750032011-04-02T12:02:00.001+02:002011-04-02T12:02:47.898+02:00Mulhouse<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5581282495/" title="Sans titre de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5026/5581282495_147e453937_z.jpg" width="640" height="434" alt=""></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-32440402743985834812011-03-18T14:48:00.006+01:002011-05-03T14:15:31.140+02:00Les Puces (troisième partie)<div align="right"><small>(Pour lire la première partie de ce texte, cliquez <a href="http://jordanprestrot.blogspot.com/2010/12/les-puces.html">ici</A>.)</small></div><br /><blockquote><p align="justify"> Moi, je n’avais rien entendu, mais Hugo était tombé malade pendant la nuit. C’est pourquoi j’ai retrouvé Carole toute cernée dans la cuisine, avec sa robe de chambre pas tout à fait nette et ses cheveux ébouriffés. Elle avait passé la nuit au chevet d’Hugo, à lui nettoyer ses draps et lui tendre la bassine. Il avait vomi comme ça, à plusieurs reprises, et pleuré beaucoup à cause des douleurs spasmodiques. On pouvait maintenant espérer que tout était sorti. <br /> J’ai mis une capsule dans la machine et j’ai regardé mon café couler. Le week-end s’annonçait pourri. <br /> Il faut dire que la veille au soir, je m’étais engueulé avec Carole, parce qu’il avait fallu deux heures pour aérer la maison, qu’on attendait comme des cons en manteau, dans le salon, au lieu de prendre l’apéro. Je lui ai juste dit qu’elle aurait pu s’arranger pour lancer les fumigènes dans l’après-midi, quand il faisait encore un peu plus chaud. Mais elle avait son cours de yoga. « Ouais, ton cours de yoghourt, me suis-je énervé, t’aurais pu l’annuler, juste cette semaine. Y avait urgence, là, quand même…<br /> — C’est ça ! qu’elle a rugi alors. Moi je passe ma vie à faire la boniche, à faire les courses, à m’occuper des enfants, j’ai un seul truc pour me détendre et pour voir des gens et c’est encore trop ! Et en plus tu me prends de haut, comme ça ! Mon yoghourt ! Tu te moques de moi ! » <br /> J’ai haussé les épaules. En un sens, elle avait un peu raison, sur le principe. Mais pour cette fois, j’en démordais pas : « N’empêche, tu vois que ça te rend vachement cool, ton yoghourt… <br /> — Maman ! Matthis, il m’a piqué mon Gormiti ! <br /> — Matthis ! Rends-lui son Gormiti ! <br /> — Mais c’est le mien ! C’est un sale menteur !<br /> — Eh bah prête-lui si c’est le tien ! Il faut savoir partager hein, entre frères !<br /> — Mais c’est le mien ! »<br /> Ça a commencé à me gonfler pas mal, leur débat, là : « Vous arrêtez maintenant ! j’ai hurlé. Moi je les mets à la poubelle vos Gormiti à la noix ! <br /> — Tu n’as pas besoin de crier comme ça ! » a répondu Carole, d’un air offusqué. <br /> Dans la seconde, j’ai cru que j’allais vraiment m’énerver. Mais je me suis tout de suite ravisé : c’était pas le moment de déraper. J’ai sorti le paquet de Philip Morris de ma poche de manteau et j’en ai allumé une. « Mais… Tu fumes ! s’est écrié Carole. <br /> — Tu vois…<br /> — Et dans la maison !<br /> — C’est moins toxique que ton anti-puce… et les fenêtres sont grandes ouvertes. »<br /> Pendant une bonne minute, ça lui a cloué le bec. Les enfants aussi, ça les épatait. Moi, j’essayais de faire des ronds de fumée comme dans le temps, mais je n’y arrivais plus. « Ne t’approches pas, Matthis. C’est mauvais pour la santé ce que Papa fait. Et toi non plus, Hugo…<br /> — Mais Maman ? <br /> — Quoi ?<br /> — J’ai froid. » <br /><br /> C’est sans doute pour ça qu’elle avait l’air triste, Carole, ce matin-là. J’avais peur qu’elle me fasse la gueule, à cause de la dispute ; en fait, elle culpabilisait juste. « Il a pris froid, dit-elle. Ou c’est l’anti-puce qui l’a empoisonné…<br /> — Mais non ! m’écriai-je. C’est juste une gastro ! Ils se lavent jamais les mains, de toute façon. Matthis comme Hugo.<br /> — J’espère que tu as raison… En tout cas, je vais leur faire un peu plus la guerre, là-dessus. Il faut qu’ils apprennent… »<br /> J’ai commencé à me beurrer une biscotte, en attendant que le café soit moins chaud. Et Carole a dit qu’elle préférait quand même appeler le médecin de garde. Et j’ai pas pu m’empêcher de tiquer : pour une simple gastro, on aurait l’air ridicule. « Tu crois que c’est pas la peine ?<br /> — Bah, déjà, ça m’étonnerait qu’il vienne. Il va te dire de lui donner du coca et du riz. <br /> — Oui, peut-être. »<br /> Carole a pris son air sombre, celui de la mère inquiète qui tergiverse. Alors je lui ai dit : « Maintenant, si c’est pour s’angoisser toute la journée… Tu ferais mieux d’appeler quand même. Juste pour te rassurer. <br /> — Oui, ça me rassurerait. »<br /> Et son visage s’est éclairé. Elle est partie chercher le numéro sur Internet. Lorsqu’elle est revenue, j’avais fini mon café et j’envisageais d’aller fumer une cigarette. Mais dehors, il pleuvait. « Bon, a dit Carole. Il va venir quand même. <br /> — Ah bon ?<br /> — Oui. Il est très sympa. Il dit que c’est sans doute la gastro, mais qu’avec cette histoire de puces, il préfère venir s’en assurer. <br /> — Très bien. <br /> — Je vais rester ici avec Hugo. <br /> — Évidemment !<br /> — Je te dis ça parce que Matthis a match de foot, ce matin, à dix heures. <br /> — Ah ! merde ! Putain, j’avais complètement oublié !<br /> — Il aimerait que tu viennes le voir, cette fois. Ça fait longtemps. Et moi, je ne pourrai pas l’emmener… »<br /> J’ai pris le tabouret et je me suis assis sous la hotte aspirante de la cuisine. « Qu’est-ce que tu fais ? m’a demandé Carole. <br /> — Je vais fumer. <br /> — Va plutôt dehors, tu vas tout m’engraisser. <br /> — Tu as vu comment il pleut ? <br /> — Je ne comprends pas que tu t’es remis à fumer… <br /> — C’est le stress. Le vol de la voiture, les puces et surtout cette gamine qui est morte…<br /> — Je comprends. Mais tu sais que ce n’est pas une solution, le tabagisme.<br /> — J’arrêterai de nouveau, lorsque ça ira mieux. Mais là… En plus, j’ai eu une semaine de fou au boulot. Je devais rendre un PowerPoint, jeudi. Mais j’attendais les gars de Toulouse, je pensais retarder le truc comme ça, vu qu’ils mettent toujours cent sept ans à se bouger… Les mecs du Sud, tu sais, c’est pas des furieux… Mais là, je sais pas ce qui leur a pris, ils ont tout de suite réagi ! Et moi, je suis dans la merde…<br /> — Ne me dis pas que tu comptes travailler ce week-end.<br /> — Non. J’en ai ma claque. Ce week-end, c’est famille ! »<br /> Carole m’a embrassé. « C’est bien ! » J’ai allumé la hotte et j’ai allumé ma cigarette. <br /> Ça faisait un de ces boucans, cette machine ! La vache ! C’était bien la peine de marquer dessus « <i><span style='font-variant:small-caps'>Silence</span></i> » ! Ils sont trop forts, chez De Dietrich, les mecs de la communication… Et puis Carole m’a montré qu’on pouvait moduler la puissance d’aspiration. Je me suis senti un peu con. C’était la première fois que je touchais à cette hotte, depuis sept ans qu’on a fait construire la maison… « Matthis est debout ? demandé-je. <br /> — Non. <br /> — Eh bah dis-donc, ça ne le stresse pas d’avoir match…<br /> — C’est surtout qu’il s’est réveillé deux fois cette nuit, à cause des vomissements de son frère. »<br /> Je ne m’étais pas réveillé, moi. Père indigne… <br /> Pour que j’arrête de jeter mes cendres dans l’évier, Carole a posé un ramequin en céramique sur les plaques de cuisson. « On n’a plus le cendrier que tu as acheté en Tunisie ?<br /> — Je ne voudrais pas que tu l’abîmes. »<br /> C’est vrai qu’elle l’avait acheté, cent fois son prix, quand on était au Club Med, l’année dernière. Je lui avais dit que c’était inutile, que personne ne fumait. Mais elle n’avait rien voulu entendre, elle s’était trouvé une passion pour la déco et puis c’était les vacances… Maintenant, c’était trop tard. On avait pris l’habitude de ne pas s’en servir, de le garder impeccable. Comme l’argenterie du mariage. « Bon, dit Carole, je vais faire ma toilette. Hugo est dans le salon. »<br /><br /> En effet, Hugo était allongé sur le canapé, sous sa couette Gormiti, dans son pyjama Spiderman, devant les dessins animés du matin. Mon pauvre bébé, il était mal-en-point. Il avait les yeux tous fatigués, mais pleins de tendresse. Ça me faisait un pincement au cœur de le voir comme ça. « Salut mon petit père, lui dis-je. <br /> — J’ai vomi toute la nuit, m’a-t-il répondu tout contrarié.<br /> — C’est pas grave. Ça arrive. C’est des méchants microbes, maintenant ils sont partis. <br /> — J’espère que c’est fini… <br /> — Mais oui, c’est fini. S’ils reviennent, de toute façon, je leur casse la figure, moi, aux méchants microbes qui en veulent à mon petit garçon ! »<br /> Il a souri : « C’est trop petit pour que tu leur casses la figure… Et puis, comme Maman dit : on a pas le droit de taper un plus petit que soi. »<br /> J’ai acquiescé, gravement. Il était intelligent, mon fils. Et je repensai à la gamine, fatalement. J’ai regardé Hugo droit dans les yeux. Qu’est-ce qu’il lui arriverait si j’allais en prison ? « On a le droit de faire de mal à personne, en fait. <br /> — C’est vrai…<br /> — Il ne te dérange pas, le chat ? »<br /> Ce con de chat s’était lové dans un repli de la couette. Il avait encore la nuque toute barbouillée de la pipette anti-puce de la veille. « Oh non ! J’aime bien ! Tu restes avec moi, hein, Barnabé ? » Alors Barnabé a roulé sur le dos, s’est étiré les quatre pattes en l’air, avant de se recourber pour lécher son trou de balle. <br /> « Bon, ai-je ponctué. Maintenant repose-toi. <br /> — J’ai un peu faim mais je ne sais pas quoi manger…<br /> — C’est peut-être un peu trop tôt pour manger. Il faut que ton ventre se repose. Mais je vais demander à Maman ce qu’elle en pense. <br /> — D’accord. Papa, je t’aime.<br /> — Je t’aime aussi. »<br /> C’était sans doute fini, mais j’y ai tout de même réfléchi à deux fois avant de lui faire un bisou sur le front — je n’avais pas le temps de me chopper la gastro. Puis je suis monté me brosser les dents. <br /><br /> Carole était assise sur les toilettes, en train de faire pipi. J’ai mis en route la brosse à dents électrique. Ça en faisait, ça aussi, tout un tintinmarre… « Je viens de réveiller Matthis. Tu pourras acheter du pain en allant à son match ? » Je lui répondais tant que possible, la bouche plein de dentifrice. « Attention, tu fais des projections sur le miroir. » Carole a encore pris trois cents feuilles de PQ pour s’essuyer, et elle a dit : « J’en ai marre de la Citroën de mon père. C’est un vrai paquebot. <br /> — Moi, j’en ai marre de ta Mini ! crachai-je dans le lavabo. Et puis j’en ai marre de mes montures de lunette, de mettre toujours cette même veste… »<br /> Carole a tiré la chasse. Elle est venue à côté de moi pour se laver les mains. « Tu veux pas changer de coupe de cheveux, aussi ? a-t-elle rigolé. <br /> — Pourquoi pas ?<br /> — Haha ! On dirait une bonne femme ! Tandis que moi, je prendrai ma douche plus tard. Là, j’ai pas le courage. C’est pas grave si je pue ? <br /> — Tu ne pues jamais, tu sais. <br /> — Flatteur !<br /> — En tout cas, moi, c’est sur le rasage qu’aujourd’hui, je fais l’impasse. <br /> — Ça aussi, il faudra que je fasse… »<br /> C’est vrai que ces derniers temps, Carole avait du poil aux gambettes. L’hiver, c’est moins urgent… Moins urgent que le yoga, évidemment… « Au fait ! m’écriai-je. Il faudrait que tu lui parles de mes piqûres de puce, au médecin. » Carole était cul à l’air en train d’enfiler son jogging. « S’il ne les voit pas, il ne pourra rien dire…<br /> — Montre-lui les piqûres de Matthis.<br /> — S’il est au foot avec toi ?<br /> — Ah ouais… »<br /> J’ai tiré le rideau et suis monté dans le bac de douche. S’il m’a fallu un certain temps avant de retrouver parmi les vingt-huit flacons mon shampooing anti-chute, j’étais quand même content de ne me découvrir aucune nouvelle piqûre de puce — même si les anciennes continuaient de me gratter tout autant. <br /><br /> Dans le deuxième canapé, Matthis mangeait ses céréales Nesquick. Carole leur a donné la fâcheuse manie de petit-déjeuner sur un plateau devant la télé. Ils font attention, mais une fois par mois, y en a forcément un des deux qui renverse son bol. Ça ne manque pas. Mais bon. C’est comme installer l’enfant malade dans le salon… C’est bien pour lui, mais bonjour la galère pour les autres. On doit tous vivre au rythme de sa maladie. En attendant que ça nous prenne… Mon pauvre petit Hugo… Il s’était endormi. « Alors Matthis, t’es prêt pour la victoire ? <br /> — C’est contre l’AS P/A. On va perdre. <br /> — Hé ! Faut pas dire ça ! Faut pas être défaitiste comme ça !<br /> — Attends, ils sont trop forts. La dernière fois, ils nous ont mis dix buts !<br /> — Oui, mais la dernière fois, il n’y avait pas Cédric et Nicolas. <br /> — Toi non plus, t’étais pas là… » <br /> J’ai encaissé le coup. Matthis est du genre sec, lorsqu’il est fatigué. Pas le même amour qu’Hugo après une nuit de vomissements. « Ces derniers temps, j’avais beaucoup de travail. <br /> — Tu as toujours beaucoup de travail. <br /> — Il le faut bien pour qu’on vive, hein !<br /> — Chez Cédric, ils vivent bien. Et son père, il mange avec eux tous les soirs. <br /> — Mais il n’a pas la même collection de Gormitis que toi…<br /> — C’est pour les bébés, les Gormitis… »<br /> J’ai soupiré. Ça commence à huit ans, maintenant, l’adolescence ? « Tes affaires sont prêtes, sinon ? <br /> — Ouais. »<br /><br /> On a fait bisou au revoir à Carole. Dehors, il y avait une accalmie. « Tu vois, il a arrêté de pleuvoir. C’est bon signe. » Mais Matthis n’a rien dit. Dehors, il y avait aussi le voisin, Monsieur Martinet qui rentrait ses oliviers en pot. C’était un peu tard, ils avaient déjà morflé les premières gelées. Mais bon, c’était son affaire… Il a lâché sa brouette deux secondes et m’a salué de loin : « Salut Lambert ! » J’ai vaguement répondu à Martinet d’un hochement de tête. « Ça y est, c’est déjà l’hiver !<br /> — C’est pour ça que tu rentres tes oliviers ?<br /> — Oui. Je voudrais pas qu’ils crèvent. <br /> — Alors bon courage. <br /> — Ça va. J’ai une bonne brouette. Et ça me plaît bien d’être dehors, tant qu’il pleut pas. <br /> — Pourvu que ça dure. »<br /> Bruno et Sandrine Martinet sont nos voisins depuis trois ans. Ils ont une fille d’à peu près l’âge d’Hugo. C’est fou ce qu’elle est nian-nian, maniérée, bégueule, pourrie-gâtée. Clara qu’elle s’appelle. Elle nous a sacrément fait chier, cet été, quand elle venait se baigner avec les garçons dans la piscine. Elle criait à la moindre éclaboussure et quand ils la laissaient tranquille, elle arrêtait pas de râler ou de rabâcher les mêmes onomatopées : « Youhou ! Badaboum ! » en agitant ses brassards au-dessus de sa bouée. Et puis surtout, elle ne faisait jamais attention à rien. Sale caractère, elle écoutait pas. Elle m’a pété deux arroseurs automatiques sur sept, la peste, à courir dans le jardin… Un jour, elle traversera encore la route devant un mec comme moi, juste pour lui pourrir la vie et perdre la sienne. Et Carole qui invitait encore les parents à boire une coup, le soir, pour qu’ils s’attendrissent devant nous d’avoir une enfant aussi déplaisante… On n’était pas raccord, sur ce coup, Carole et moi. Après, elle m’avait même parlé d’avoir encore un bébé, une petite fille si possible…<br /> « Je dois te laisser, Martinent. On a match, là. <br /> — O.K. Salut Lambert. Et bon match, Matthis ! »<br /> Matthis a baissé les yeux, intimidé. Pourtant, il le tutoyait, cet été, et il l’appelait Bruno. Deux mois plus tard, c’était un étranger. « Allez ! Champion ! » lui ai-je crié. Alors il est monté dans la Mini sans rien dire et Martinent m’a fait une grimace gênée. « C’est rien, je lui ai dit. Il a mal dormi. » <br /> Et je me suis dit que si j’allais en prison, peut-être que Matthis m’oublierait moi, qu’il ferait la même tronche déconfite au parloir…<br /><br /> J’ai été très prudent, au volant. Je ralentissais dès que je voyais des passants un peu trop près du trottoir. Surtout quand il y avait des enfants. C’est chaotique, les enfants, au bord de la route. J’avais envie d’ouvrir la fenêtre et de crier aux parents de leur tenir la main, nom d’un chien ! Pendant ce temps, Matthis ne disait rien. Il se remettait parfois à pleuvoir. Un sale mois de novembre, voilà…<br /> À un moment, j’ai quand même demandé à Matthis si ça allait. « Qu’est-ce qui se passe ? T’as pas l’air content. T’en as marre du foot ? » Et Matthis a haussé les épaules. Moi, je me concentrais sur la route, j’avais pas les moyens de lui tirer les vers du nez. Mais son silence m’énervait. « Bah, dis-moi ! Tu veux pas y aller ? Tu veux qu’on fasse autre chose ? Tu préférerais que ça soit toi qui sois malade ?<br /> — Pff. C’est toujours Hugo qui est malade. <br /> — Il est plus petit, c’est normal.<br /> — Ouais.<br /> — Toi tu es le plus grand. Tu es le plus fort. C’est pour ça que tu dois le protéger. <br /> — Moi, je voudrais bien. Mais il pleure pour n’importe quoi… »<br /> J’ai vite senti que cette discussion ne mènerait à rien. Matthis a des jours avec et des jours sans. C’est un garçon lunaire. D’ailleurs, c’est ce qu’avait dit l’astrologue que Carole avait consultée… Moi, il paraît qu’au contraire, j’avais bien les pieds sur terre, malgré quelques conflits intérieurs. Mouais. « Tu roules encore moins vite que Maman.<br /> — Ha ! me suis-je forcé à rire. C’est que j’ai pas envie de passer ma vie à écraser des gens ! »<br /> Ça l’a bien fait marrer, Matthis. Ça m’a fait plaisir sur le coup. De le voir se dérider un peu. Mais j’espérai bientôt qu’il ne trouve pas la blague assez bonne pour la répéter partout à tout le monde. De toute façon, on arrivait. <br /> Je me suis garé sur le parking et Matthis est parti rejoindre ses copains en courant. Je suis resté quelque temps planté sur place, abandonné, et j’ai décidé de fumer une cigarette. Mais j’avais oublié mon briquet à la maison. Alors j’ai redémarré la voiture pour faire chauffer l’allume-cigare. <br /><br /> Comme d’habitude, les gradins étaient à moitié vides. Je me suis assis dans un coin pendant que les gamins s’échauffaient. Matthis était avec ses coéquipiers. Il avait l’air bien intégré. Je ne me souvenais pas d’avoir autant d’amis, à son âge. J’étais un peu gros. Et j’étais pas très bon en sport collectif. Par contre, je ne comprenais toujours pas pourquoi ils avaient gardé le petit Lucas au goal. Tu m’étonnes qu’ils se prennent dix buts avec un tel nain…<br /> De loin, j’ai vu arriver Gérald. C’est le père du capitaine de l’équipe, le numéro dix, j’ai oublié son prénom. Gérald est brigadier-chef. J’ai sympathisé avec lui, l’année dernière, en me disant qu’il pourrait me faire sauter des PV. Peut-être qu’il pourrait m’éviter la garde-à-vue à présent. Mais je préférais ne pas y penser. De toute façon, il faudrait déjà que Matthis préfère son fils à Cédric, pour qu’on devienne un peu plus intimes. Et que je vienne plus souvent au foot pour entretenir la relation. Malgré ça, j’ai eu la bonne surprise de voir Gérald venir vers moi. « Bonjour, Jean-Marc ! Ça fait longtemps qu’on t’a plus vu !<br /> — Salut Gérald. Géraldine. »<br /> Sa femme s’appelait Géraldine, oui. Gérald et Géraldine, c’est si tarte, ça ne s’invente pas. Lui, c’était une sorte de demi athlète bas du cul avec un petit bouc d’un millimètre ; elle, elle ressemblait à ses gardiennes agrées, avec les racines blanches sous la vieille coloration auburn. Ils avaient six enfants. « Bonjour », elle a dit. Et puis, elle a ramassé le petit dernier qui s’était vautré entre les bancs. « Eh bien ! Qu’est-ce qu’il a grandi ! » lançai-je d’un ton admiratif. Alors Gérald a pris le gamin dans ses bras et m’a dit d’un air fier : « C’est ma sixième merveille ! <br /> — Six merveilles ! Alors vous comptez sûrement faire la septième ! répliquai-je avec, à la réflexion, un peu trop de familiarité.<br /> — On ne sait pas… » a répondu Gérald en même temps que, du fond du cœur, Géraldine tonnait : « Non ! »<br /> Alors Gérald s’est mis à rire et m’a demandé s’ils pouvaient s’asseoir avec moi. J’ai bien sûr accepté. « Rappelle-moi juste une chose, demandai-je. C’est combien de temps déjà un match, chez les débutants ?<br /> — Deux fois quarante minutes. »<br /> Eh bien, me dis-je, ça me donnera le temps de sympathiser un peu plus. Et de les inviter à dîner pour la semaine prochaine. Carole sera un peu vexée, c’est sûr, que je prenne des initiatives de ce genre sans lui en parler d’abord… Mais c’est parce qu’elle ignore à quel point c’est important. Et que si elle l’ignore, c’est parce que je veux la protéger. Qu’est-ce que c’est de toute façon, un dîner chiant, par rapport à un meurtre à dissimuler ? <br /> Matthis et les autres terminèrent leur dernier tour de terrain. Le match allait bientôt commencer. « Allez, les futurs Zidane ! » pouffa Gérald. Je pouffai à mon tour, par politesse. Chaque équipe se regroupa près de son entraîneur. Matthis et Cédric ne se décollaient pas. « Bah ! m’étonnai-je tout d’un coup. Je vois pas Nicolas. Il est toujours pas là ?<br /> — Tu n’es pas au courant ? a répondu Gérald.<br /> — Non.<br /> — Avant-hier, sa sœur s’est faite faucher par un chauffard. »<br /></p><div align="right"><small>(Pour lire la suite de ce texte, cliquez <a href="http://jordanprestrot.blogspot.com/2011/05/les-puces-quatrieme-partie.html">ici</a>.)</small></div><br /></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-47085058800643385392011-03-17T00:01:00.001+01:002011-03-17T00:01:03.818+01:00Le Livre des espaces, extrait n°3 : Le Laboratoire Sibiesse<div align="right"><small><span style="font-style:italic;">Le Livre des espaces</span> est le roman que j'ai écrit de 2006 à 2010. <br />Je suis actuellement à la recherche d'un éditeur. </small></div><br /><blockquote><p align="justify"> Comme beaucoup de gens de ma génération, j’avais quitté Papa-Maman pour emménager dans un studio de quinze mètres carrés, dans la petite couronne de la région parisienne. Il y avait une petite salle de bain et une kitchenette. Pour le reste, ça ressemblait plutôt à une chambre d’adolescent attardé, avec des livres un peu partout, un ordinateur, une télé, des moutons de poussières et des chaussettes sales. Oui, mon studio n’était qu’une chambre. Et Paris était ma maison. Je traversais le boulevard périphérique en RER comme un adolescent descend l’escalier pour aller au salon. Mais au lieu d’y retrouver des parents hostiles et une décoration ringarde, j’y rencontrais des amis pareillement sortis de leurs quinze mètres carrés, dans de petits bars branchés du canal Saint-Martin. De temps en temps, nous allions voir la dernière exposition du centre Pompidou, un concert de jazz à la Villette. <br /> Tout comme moi, mes amis n’envisageaient pas de fonder une famille. Nous fuyions toutes les contraintes facultatives et tâchions de vivre tranquillement aux crochets de Paris. Les week-ends, comme nous manquions souvent d’argent, on se réunissait dans le studio de l’un ou l’autre, on buvait des bières, fumait, regardait parfois un navet loué pour l’occasion. Parfois nous nous fâchions pour quelque différend politique ou philosophique. Alors nous déployions des trésors de sophisme pour nous faire entendre raison — jusqu’au bout de la nuit. On finissait à l’aube, sans rien avoir appris mais réconciliés, autour d’une tasse de nescafé. <br /> J’en payais l’addition, le lundi matin. J’enviais alors souvent l’ami chômeur, le fils de rentier et l’étudiant attardé. Moi, le lundi matin, je devais aller bosser. <br /><br /> Mon patron s’appelait César Sibiesse, mais je l’appelais Monsieur Sibiesse. Il tenait un labo photo, rue de la Fayette. <br /> Ce n’était pas un mauvais type, il était honnête et civilisé, mais je n’aimais pas sa vision du monde. Sous bien des égards, elle était étriquée. Sibiesse voyait le monde comme quelque chose d’esthétique et d’immobile, un peu à la manière d’une photographie. Celles exposées sur les murs du magasin étaient des portraits d’enfants rieurs, des paysages exotiques et des couchers de soleil : des images mignonnes, faciles et agréables. Sibiesse aimait les jolies choses, il aimait donc rarement les belles. Son attrait pour le <span style="font-style:italic;">ravissant</span> m’écœurait. Souvent je préférais détourner le regard lorsqu’il maculait d’autocollants « non facturé » des séries de photos floues pourtant bien plus évocatrices que celles qu’il avait encadrées. <br /> C’est qu’il y avait à mes yeux deux catégories de photographes : les baroudeurs mal peignés, cachés derrière l’objectif pour témoigner de ce qui est, et les esthètes proprets qui ont besoin d’un studio, d’un trépied, de lumières et d’un logiciel de retouche. Sibiesse était malheureusement de ces derniers. Aussi, était-il très coquet, toujours sur son trente et un, souriant, pas un cheveu qui dépasse, cravate serrée bien droite et rentrée dans le pantalon. À la rigueur, cela n’aurait pas posé problème s’il n’étendait pas cette maniaquerie au magasin. Tout devait être propre et à sa place : les présentoirs alignés à côté de la caisse, les pellicules rangées dans le même sens, les cadres fixés à la même hauteur… <br /> Son associé était nettement moins crispé. Il s’appelait François Lombard, mais il voulait que je l’appelle François. C’était un quadragénaire rondouillard qui portait toujours une chemise avec une poche de poitrine. Là-dedans, il rangeait tout un bric-à-brac : stylos, papiers, pièces de monnaie, téléphone portable. Et plusieurs fois par mois, il répandait le tout par terre, en se penchant pour ramasser autre chose. Il lâchait alors un grand « merde ! » auquel répondait le regard horrifié de Sibiesse. Un jour où le gag se reproduisit, je conseillai à François de mettre toutes ces affaires dans une autre poche. « Tais-toi, c’est ce que dit ma femme… » me lança-t-il avec un sourire.<br /><br /> Je venais d’avoir vingt-cinq ans. C’était un affreux mois de juin. François suait dans sa chemise à carreaux bleus, Sibiesse restait impeccable dans sa chemisette blanche. <br /> C’était une sale journée. Les clients étaient tous venus faire développer leurs photos de la fête des mères. Elles défilaient sur mon écran, puis dans le rail de l’imprimante. La clientèle était fidèle ; à force, je reconnaissais les visages. Je faisais un peu partie de la famille : je savais comment ils avaient fêté Noël, où ils avaient passé leurs vacances, je voyais les enfants grandir. Parfois, je voyais dans un petit cadre à l’arrière-plan, une autre photo dont j’avais fait le tirage. Ça me mettait mal à l’aise. <br /> Pendant ce temps, Laure devait se faire sauter par son nouveau mec…<br /> C’était une sale période. Plus je regardais ma vie, moins je supportais qu’elle fût à ce point médiocre. J’en voulais terriblement à Laure, cette magnifique idiote. Et j’ignorais les sollicitations d’Élodie qui travaillait avec moi. <br /> Élodie était une petite grosse, gentille mais naïve. Elle s’occupait du service vidéo. Cela consistait au montage de films de mariage, au transfert sur DVD de films super 8. Un jour, je lui fis remarquer que ces films étaient sans doute le seul souvenir que le gens gardaient des événements majeurs de leur vie. « C’est pour ça que j’aime ce travail », m’avait-elle répondu, très lyrique. Je voulais dire que ces films se substituaient à leur mémoire intime, qu’à terme les gens garderaient le souvenir du film au lieu de celui de l’événement. Mais je compris que c’était trop compliqué à expliquer. <br /> Plusieurs fois, je crus voir Laure sur les photos des clients. J’avais passé la soirée de la veille avec un ami dans un bar, tentant de l’oublier à coups de vodka. Bref, j’étais fatigué. </p><br /></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-26772822230527427522011-03-16T12:16:00.000+01:002011-03-16T12:17:07.482+01:00Une vision du monde selon Google (6ème édition)<a href="http://simongrisgoogle.blogspot.com/" target="_blank"><img src="http://j.nadroj.free.fr/google.png"></img></a><table width="640" align="center"><tr><td><P ALIGN="JUSTIFY">« <a href="http://simongrisgoogle.blogspot.com/" target="_blank">Une vision du monde selon Google</a> » est une collection d'images réalisée chaque 27 février, depuis 2006.<br /><br />Pour chaque pays du monde, la première image de grande taille trouvée grâce à Google recherche d'images est sélectionnée. Sont exclus les cartes et les drapeaux. En cas de lien mort, l'image de grande taille suivante est sélectionnée.<br /><br />Pour obtenir les résultats les plus représentatifs possibles, les recherches sont faites à partir des noms internationaux des pays. Les recherches sont effectuées en France, via la version française de Google. Aucun filtrage SafeSearch n'est activé.<br /><br />Les images récoltées sont réduites par souci d'économie de bande passante — mais aussi afin qu'elles ne s'ajoutent pas, comme doublons, aux résultats futurs des recherches d'images de grande taille.<br /><br />Toutes ces images restent la propriété de leurs ayants-droit.<br /><br /><a href="http://simongrisgoogle.blogspot.com/" target="_blank">Cliquer ici</A> pour visiter le blog dédié à ce projet. </p></td></tr></table>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-26111746599418205812011-03-15T11:59:00.008+01:002011-03-16T22:06:22.414+01:00Les Mésaventures de Sourcils<a href="http://sourcils-bd.tumblr.com/" target="_blank"><img style="cursor:pointer; cursor:hand;width: 400px; height: 293px;" src="http://4.bp.blogspot.com/-a3KzdBnNx_Q/TYEmL9DNHYI/AAAAAAAACbI/SUA5ZKyeIjU/s400/sourcils2.JPG" border="0" alt=""id="BLOGGER_PHOTO_ID_5584786999724547458" width="652"></a><br /><blockquote>Il y a quelques mois, je me suis amusé à dessiner cette petite BD - sans prétention mais tous publics. Je me suis dit que ce serait dommage qu'elle reste dans un tiroir. <br />La voilà donc en ligne. Cliquez <a href="http://sourcils-bd.tumblr.com/" target="_blank">ici</a> pour la lire.</blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-82375839264883022062011-03-04T00:17:00.002+01:002011-03-04T13:25:00.051+01:00Le Livre des espaces, extrait n°2 : Le Supermarché<div align="right"><small><span style="font-style:italic;">Le Livre des espaces</span> est le roman que j'ai écrit de 2006 à 2010. <br />Je suis actuellement à la recherche d'un éditeur. </small></div><br /><blockquote><p align="justify"> Le supermarché est un endroit de femmes. Je ne vois qu'elles, poussant leurs caddies, piochant dans les rayons. Leur concentration est extraordinaire. Elles s'ignorent mutuellement, la conscience réduite à la lecture des tarifs, au remplissage du chariot. <br /> Parfois, elles sont accompagnées d'enfants. Certains négocient l'achat de friandises, armant leur diplomatie de larmes et de colère. D'autres s'agitent comme de petits singes derrière les grilles des chariots. Je vois aussi une petite fille qui, venant sans doute d’apprendre à lire, ne peut s'empêcher de prononcer tous les noms de marques qui lui tombent sous les yeux. J'éprouve une étrange compassion pour ce petit être : il s'ouvre à peine au monde et relaie déjà les messages. <br /> Les allées du supermarché se recoupent en d'innombrables carrefours. Les femmes y circulent méthodiquement. Il n'y a ni stop ni feux rouges, seulement parfois de légers embouteillages lorsque l'une d'elles s'est arrêtée. Parfois cet arrêt bloque l'accès à certains articles, en une sorte de monopole des après-shampoings ou des pots de guacamole. Derrière, les autres font preuve d'une patience angélique, poussant même le vice jusqu'à mimer un intérêt pour les produits avoisinants. Ce cinéma est préférable ; rien ne doit rompre la règle de l'ignorance mutuelle. Et si quelqu'une est plus pressée ou plus nerveuse que les autres, elle n'hésitera pas à faire l'acrobate au-dessus de l'obstacle, au risque de la bousculade — ce sera bien toléré, si elle s'abstient d'adresser un mot ou un regard. <br /> Parfois plongées dans le catalogue du magasin, comme consultant un plan, elles harponnent les rares hommes présents, lesquels portent un polo rouge où figure le logo de l’enseigne. Elles s'inquiètent de l'inexactitude des prix affichés et les hommes en rouge se grattent la joue, l'air ennuyé. Si bien que les femmes s'excitent, elles froissent leur précieux livre, et continuent d'assaillir leur guide, désespérées qu'il ne vibre pas de leur palpitante quête. <br /> Je passe d'un rayon à l'autre et crois voir des clones : similitude des attitudes, des achats, des rythmes. Les rares différences ne semblent liées qu’à l’amplitude des porte-monnaie. <br /> Partout la lumière est dure, quasi chirurgicale — tout doit rayonner. J’ai les yeux qui piquent, comme du sable sous les paupières. La gêne atteint son pic dans le rayon des produits frais. Un supermarché, c’est aussi une succession de microclimats : de l’équateur au grand nord : attroupements humains, frigos, rôtissoires… <br /> Entre deux chansons de variété, des annonces promotionnelles résonnent, et c'est comme un amen entre deux chants liturgiques. Au détour d'une allée, une jeune femme m'aborde. Elle dresse comme un calice une assiette de toasts au tarama. J'en prends un et elle me dit : « C’est – 50 % ! » J’acquiesce vaguement. Le tarama a chassé un peu le goût de vomi qui me restait en bouche, mais il m’a donné soif. Je me souviens alors qu’il y a une petite bouteille d’eau dans mon sac. Je prends une goulée. <br /> Puis, en rangeant la bouteille, je me dis qu’on pourrait croire que je l’ai trouvée ici. Elle est, en effet, semblable à celles que j’ai vues tout à l’heure en rayon. Craignant qu’on m’accuse de vol, je songe un instant à l’abandonner. Puis je secoue la tête pour chasser cette idée ridicule. <br /> Les rayons imitent maintenant les étals d’un marché. Des légumes et des fruits en débordent. À côté subsistent un rayon conventionnel, dans lequel des salades sous vide luisent d'un vert pop. Par terre, il y a une vieille laitue défraîchie, à moitié piétinée, le bord des feuilles noirci — comme un anachronisme sous le règne de l'emballage ergonomique. Et je suis ému. Il y a de la vérité et de la beauté dans cette image — ça mériterait une photo. <br /> Puis un caddie passe devant moi, la roue passe sur la laitue qui se coince dans l’axe et qui est emportée. Je la suis des yeux, douloureusement. Alors la femme agite son caddie, donne des coups de pieds dedans et la laitue s’écrase à nouveau sur le carrelage blanc. <br /> Il est temps que je m’en aille. <br /> J'arrive devant la rangée de caisses où, en file indienne, les femmes forment des perpendiculaires. Les produits s'amoncellent sur les tapis roulants avant d'arriver dans les mains d'une caissière. Un faisceau rouge les frappe, un signal sonore retentit, puis le produit passe dans un sac en plastique. <br /> Il y a au moins une cinquantaine de caisses et chaque caissière tient un rythme soutenu. En résulte un tintamarre diabolique. <br /> Il y a des paroles aussi. Mais ce sont moins des « bonjour », des « merci », que des « Avez-vous la carte de fidélité ? », « Vous pouvez tapez votre code. »<br /> Non sans les embarrasser, je dois rompre plusieurs fois l'alignement discipliné des clientes. La plupart réagissent sans me regarder, s'empressant de remettre leur caddie en place après mon passage. D'autres soupirent, peinent à déplacer leur caddie puis engueulent leur enfant resté devant moi, un paquet de chewing-gum à la main. <br /> Lorsque j'arrive à la sortie « sans achat », deux hommes de forte carrure, un Blanc et un Noir, se tiennent debout derrière le portillon, talkies-walkies greffés à la ceinture. Et voilà ! Comme prévu, ils viennent à ma rencontre et me demandent d'ouvrir mon sac. </p></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-76414480099032390292011-02-17T12:27:00.005+01:002011-02-17T23:26:34.012+01:00Le Livre des espaces, extrait n°1 : Incipit<div align="right"><small><span style="font-style:italic;">Le Livre des espaces</span> est le roman que j'ai écrit de 2006 à 2010. <br />Je suis actuellement à la recherche d'un éditeur. </small></div><br /><blockquote><p align="justify"> Ce poids, plat, pèse sur ma tête, mon bras, me pousse à la renverse, me tend dans un vertige, entre deux plans, deux eaux, deux mondes ; ce poids, plat, pèse sur moi ; ma nuque de pierre et mes os de glace se fêlent ; ce poids, puissant, brise mon souffle. C’est comme si une partie de moi s’enfonçait dans le sol, sous le poids, tandis que l’autre s’élevait autour pour épouser la pression subie. Je ne ressens plus rien que le froid, là, au fond du ventre, et ce cuivre tonitruant, là, à la pointe du front. Le reste n’existe pas. Pas pour l’instant. Et puis… Aucun mouvement n’est possible, aucune pensée qui suive… car, je n’ai pas la force… Je dois dormir — encore. Et je replonge. Mais comme manquant la marche, toujours. Toujours plus bas, et plus bas encore. On n’attend jamais le choc, les yeux ouverts. On les ferme toujours bien avant l’impact. C’est le poids des paupières qui toujours précède ; ce poids, noir, là, qui pèse…<br /> L’odeur, aussi, est nouvelle. C’est une odeur profonde, humaine, viscérale : la mienne. Je ne m’étais jamais senti ainsi, comme victime d’une inversion du souffle, d’un retournement. Jamais ainsi, flairé de l’intérieur. L’odeur est riche et violente. Elle m’assomme tout comme elle m’aide par relents à ne pas sombrer totalement. Soudain elle épaissit, elle gonfle, entre le poids et moi ; elle se fait bruit, vrombissement, chaos puis pure vibration. Non, cette odeur n’est plus nouvelle : elle est première. Elle vient de loin, du bout de mon essence, du bout de mon histoire. Et bientôt, comme sa plus juste traduction, l’accompagnera le cri du réveil ou de l’abandon, celui de la fin ou du recommencement, ce cri qui danse déjà, là, au fond de mes entrailles, qui cabriole et vrille jusqu’à trouver son élan, ce cri qui remontera mon corps amorphe et froid, réveillera toutes ses fêlures et ses maux, ce cri de l’homme perdu et terrifié, ce cri du feu, de l’horreur et de la recréation. Oui ! bientôt jaillira le cri ! Et l’image du démon. <br /></p></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-47020065612572737022011-02-16T11:50:00.001+01:002011-02-16T11:52:03.605+01:00Château d'eau<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5450083615/" title="Château d'eau de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm5.static.flickr.com/4073/5450083615_e55d42e616_b.jpg" width="652" height="963" alt="Château d'eau" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-34020081695737207022011-02-14T15:29:00.001+01:002011-02-14T15:31:28.070+01:00Sans titre<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5444704085/" title="Sans titre de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5131/5444704085_9f11664927_z.jpg" width="640" height="468" alt="" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-84771046824733885442011-01-30T11:13:00.001+01:002011-01-30T11:16:02.260+01:00L'Inversion des artifices<embed src="http://blip.tv/play/g9glgp_YaAA" type="application/x-shockwave-flash" width="652" height="510" allowscriptaccess="always" allowfullscreen="true"></embed>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-70776443998142968222011-01-22T12:27:00.004+01:002011-03-04T13:10:45.674+01:00On en traversera d'autres<p align="center"><object width="640" height="26" classid="clsid:D27CDB6E-AE6D-11cf-96B8-444553540000"><param value="true" name="allowfullscreen"/><param value="always" name="allowscriptaccess"/><param value="high" name="quality"/><param value="true" name="cachebusting"/><param value="#000000" name="bgcolor"/><param name="movie" 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Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-23390205077920067382011-01-19T13:19:00.000+01:002011-01-19T13:20:24.647+01:00Musée Unterlinden<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5369954426/" title="Musée Unterlinden de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5123/5369954426_7f927cc44e_o.jpg" width="652" height="486" alt="Musée Unterlinden" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-6206391063226909032011-01-18T14:17:00.001+01:002011-01-18T14:20:58.277+01:00Abbaye de Murbach<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5367068632/" title="Abbaye de Murbach de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5043/5367068632_4036954d8f_o.jpg" width="652" height="512" alt="Abbaye de Murbach" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-92203154036692648502011-01-17T13:27:00.000+01:002011-01-17T13:28:01.487+01:00Dumbo et le chaton<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5363473566/" title="Dumbo et le chaton de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5082/5363473566_97db30da79_o.jpg" width="652" height="507" alt="Dumbo et le chaton" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-86998206083171440792011-01-16T18:52:00.001+01:002011-01-16T18:54:11.319+01:00"Don Coucoubazar" de Jean-Dubuffet (1972)<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5360320701/" title="Don Coucoubazar de Jean Dubuffet (1972) de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5245/5360320701_07ec1fe099_o.jpg" width="652" height="512" alt="Don Coucoubazar de Jean Dubuffet (1972)" /></a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-82290691160806941512011-01-12T17:13:00.007+01:002011-03-18T15:07:13.667+01:00Les Puces (deuxième partie)<div align="right"><small>(Pour lire la première partie de ce texte, cliquez <a href="http://jordanprestrot.blogspot.com/2010/12/les-puces.html">ici</A>.)</small></div><br /><blockquote><p align="justify"> J’avais beau savoir que ça faisait plaisir aux enfants, le panda en peluche suspendu au rétro me foutait un peu les glandes. Déjà qu’avec mes quatre-vingt-quinze kilos, j’avais l’air fin dans la Mini Cooper… Va, me disais-je, ce n’est que l’affaire de quelques jours, ma femme reprendra sa voiture sitôt que j’en aurai une neuve… Par contre, le CD de Christophe Maé, j’étais à peine sorti de la rue que je l’ai éjecté. J’ai plutôt allumé France Bleu pour voir s’ils parlaient de l’accident. Mais ils préféraient parler du gouvernement. <br /><br /> Je me suis arrêté chez le buraliste pour acheter le journal régional. Comme il y avait la queue, j’ai eu le temps de le feuilleter avant de payer : ils parlaient de l’accident en page 7 ! Ce n’était qu’une petite dépêche dans la colonne des faits-divers, mais j’ai senti mon cœur s’emballer. J’ai posé le journal sur le comptoir et le buraliste m’a dit : « Avec ceci ? » <br /> J’ai hésité un peu et j’ai demandé un paquet de Philip Morris et un briquet. Eh bé ! Quelle bande de racketteurs ! Le prix avait quasiment doublé depuis que j’avais arrêté de fumer ! J’étais tellement indigné que pendant quelques secondes j’oubliai complètement l’accident. J’y repensai cependant une fois dehors, près de la Mini Cooper de ma femme. J’ai déplié le journal sur le capot et j’ai allumé ma première cigarette depuis dix ans. Bon sang ! que c'était bon ! Comment avais-je pu arrêter si longtemps ?<br /> J’ai relu plusieurs fois la dépêche : la gamine était morte, le conducteur avait pris la fuite — c’est bien tout ce qui était écrit. J’ai replié le journal, jeté mon mégot dans le caniveau et repris le volant. <br /><br /> Au bureau, j’ai retrouvé Olivier, l’informaticien, devant la machine à café. <br /> Olivier est le seul mec un peu sympa de la boîte. C’est un célibataire endurci qui ne met jamais de chemise. Les mauvaises langues disent que c’est parce qu’il ne sait pas repasser. C’est sans doute vrai — et alors ? Au moins, lui, il ne se fait pas chier : personne pour lui dire qu’il a laissé des poils de barbe dans le lavabo, des traces de merde au fond des chiottes ; pas de mioches à dresser non plus, il peut jurer comme un charretier, fumer dans le salon… Chez Olivier, le soir, ça doit être pizza, bière, main dans le slibard, matchs de foot et films de cul à volonté ! Ce n’est pas une bonne hygiène de vie, vous me diriez. Tu parles ! Et qui c’est qui a des piqûres de puce aux mollets ? Ou alors, vous me diriez que c’est lui qui doit la nettoyer sa merde en fond de cuvette ? Erreur ! Seul avec son salaire, il peut se payer une femme de ménage sans problème ! En tout cas, moi, c’est ce que je ferais…<br /> Je lui serrai la main. « Salut Olivier.<br /> — Comment ça va, Jean-Marc ? <br /> — Bof. <br /> — Un conseil : évite. C’est les dosettes de Valérie de la compta, c’est du déca », me dit-il en me voyant saisir le paquet. <br /> Je tapai donc plutôt dans la réserve de l’autre Valérie, celle du marketing. « Bof ? Pourquoi ça, bof ? y revint-il. <br /> — Je me suis fait voler ma voiture. <br /> — Ah merde ? <br /> — Ouais… <br /> — C’est arrivé quand ?<br /> — Hier soir. En sortant d’ici, j’arrive dans la ruelle : plus de bagnole. <br /> — T’es sûr que tu l’avais garée, là ? <br /> — Haha. T’es marrant, toi. N’empêche maintenant c’est la galère, j’ai passé presque une heure au commissariat, hier, et je dois encore appeler l’assureur, ce matin…<br /> — J’ai un pote à qui c’est arrivé. Il est resté sans bagnole pendant trois mois avant que l’assurance bouge son cul. <br /> — Parle pas de malheur…<br /> — En tout cas, compte au moins un mois, le temps que les flics arrêtent de chercher… »<br /> J’ai soupiré. Au moins un mois au volant de la Mini Cooper ? Je préfèrerais prendre la Citroën de mon beau-père… Mais ce serait abusé de lui rajouter tous ces kilomètres que je fais… « Et t’es venu comment ? m’a demandé Olivier. En train ?<br /> — Non, je suis rentré en train, hier. Là, je suis venu avec la bagnole de ma femme. C’est une Mini Cooper…<br /> — Ça, c’est une bagnole de gonzesse…<br /> — M’en parle pas... »<br /> Olivier acquiesça et il y eut comme un moment de silence, le temps de finir le café. « Bon, ponctuai-je, peu motivé. Il faut se mettre au boulot, maintenant !<br /> — Moi, répondit-il d’un ton blagueur, j’attends la fin de l’<span style="font-style:italic;">upload</span> de l’<span style="font-style:italic;">update</span>. »<br /> J’ai pouffé et Olivier m’a fait un clin d’œil. Décidément, ce garçon avait tout compris : même au boulot, personne ne l’emmerdait. Fallait déjà y comprendre quelque chose… <br /> En revanche, ce con, il m’avait filé les jetons. Je retrouvai dans ma poche de veste les deux billets de train de la veille : l’aller était une preuve à charge. Sacré Olivier ! Heureusement qu’il m’avait posé la question, sinon je n’y aurais pas pensé ! Je redescendis donc pour aller jeter mes billets de train en petits morceaux dans la poubelle. Et comme j’avais oublié que chaque café appelait une clope, j’en profitai pour en griller une. C’est à ce moment que j’ai reçu le coup de fil de ma femme. <br /> La police l’avait appelée : ils avaient retrouvé la voiture. Moi qui me les pelais dehors jusqu’à présent, j’ai ressenti une de ces bouffées de chaleur ! Je me suis mis à tirer comme un malade sur ma clope. Du coup, j’ai bientôt eu la tête qui tourne. Dix ans de sevrage, bordel ! Et le filtre devint brûlant sur le bout de mes lèvres… Bref, la voiture était retrouvée et dans un sale état. La vitre arrière était cassée, le tableau de bord démonté — ça je le savais déjà. On avait aussi volé les sièges — ça, c’était nouveau. La police suspectait un camp de Romanos. Et ma femme me raconta dans le menu détail ce que la police avait dit à propos des Romanos…<br /> Si j’ai appris une chose grâce à mon mariage, c’est qu’il faut toujours laisser une femme tout vous raconter en long en large jusqu’à ce qu’elle donne les détails intéressants, car on perd moins de temps à l’écouter qu’à l’interrompre pour lui poser les bonnes questions ; on évite aussi la venimeuse digression du « tu ne m’écoutes jamais ». <br /> Quand elle m’a enfin dit qu’on avait retrouvé la voiture sur le bord de la départementale, je n’ai pu retenir un soupir de soulagement. Quelle chance ! on m’avait vraiment volé la voiture ! Je remerciai intérieurement les Gitans, les Tziganes et tous ces voleurs de poules. <br /> Par contre, lorsqu’elle m’a dit qu’il fallait que je repasse au commissariat, que les flics voulaient régler les derniers détails avec moi, je me suis mis à craindre le pire. « Pourquoi ça ? j’ai demandé. <br /> — Je ne leur ai pas posé la question. Ça m’a paru normal, non ?<br /> — Si, si. Sans doute. Tu passeras à la pharmacie pour un traitement anti-puces ?<br /> — Oui, oui. Surtout que Mathis a sa première piqûre. Je prendrai aussi des pipettes pour le chat.<br /> — O.K. »<br /><br /> J’ai passé le coup de fil à l’assureur — et le restant de la journée à retraiter le dossier dont je pensais m’être débarrassé, la veille. Comme j’avais des problèmes de concentration, que j’angoissais à cause du saut au commissariat que je devais faire, je n’ai pas arrêté de me planter et de recommencer du début. J’ai fini par tout laisser en plan. Rien n’était arrangé, mais le dossier attendrait quand même. Au moins quarante-huit heures, de fait. <br /> J’ai quitté le bureau à six heures moins le quart. J’ai croisé Olivier dans le couloir. « Tu t’en vas déjà ?<br /> — Il faut que j’aille chez les flics. Ils ont retrouvé ma bagnole.<br /> — Ouah ! Dis leur salut de ma part.<br /> — Haha. »<br /><br /> Je suis arrivé au commissariat vers dix-huit heures trente. Et je me suis dit que je n’aurais toujours pas le temps d’aller chez le médecin et qu’en conséquence, je ne pourrais pas y aller avant lundi. J’avais découvert une nouvelle piqûre dans le creux de mon genou et ça me démangeait méchamment chaque fois que je marchais ou m’asseyais… Je me suis avancé près des gars de l’accueil et je me suis présenté. « Jean-Marc Lambert. » Ça ne leur a fait ni chaud ni froid. Alors j’ai dit que je venais à propos de ma voiture. <br /> Ils m’ont fait entrer dans un bureau. Ils étaient trois rien que pour moi : un géant de deux mètres façon Shrek, un petit sec et sournois façon Iznogoud et une gonzesse à gros cul. Trois rien que pour moi ! Moi qui croyais qu’ils avaient plein de racailles à arrêter dans les cités… <br /> Shrek s’est adossé au mur et ne m’a pas plus quitté des yeux. Un vague ennui planait dans son regard tandis qu’il mâchait son chewing-gum. Iznogoud s’est recroquevillé derrière l’ordinateur et a dressé ses doigts frêles au-dessus du clavier. La gonzesse, restée debout à ma gauche, m’a demandé de m’asseoir. Puis, voyant que tout le monde était prêt, elle a commencé à poser les questions. « Avez-vous la carte grise ? » Je la lui tendis et elle me fit signe de la donner à Iznogoud. « Mon assurance me demande si la voiture est réparable ? demandai-je. <br /> — Ça, il faudra voir avec l’expert. <br /> — Oui, c’est sûr… <br /> — Vous avez déclaré le vol de votre voiture, hier, à vingt heures trente, c’est ça ?<br /> — Oui. J’ai d’ailleurs sur moi… dis-je en farfouillant dans ma poche de veste. Comment vous appelez ça ? Ah oui ! L’attestation de dépôt de plainte… »<br /> Je tendis le papier d’abord à la gonzesse puis à Iznogoud mais : « Nous n’en avons pas besoin », me dit-il. Alors j’ai replié le papier et je l’ai rangé dans ma poche de chemise. Ça a frotté en plein sur la piqûre que j’avais au sein. « Qu’est-ce que vous avez ? me demanda la gonzesse en me voyant me gratter vigoureusement la poitrine.<br /> — Des piqûres de puce ! »<br /> Ça les a bien étonnés. Même Shrek est sorti de sa somnolence. Il a ricané, assez méchamment. « J’ai pas de chance en ce moment, poursuivis-je, bon joueur. Je me fais piquer ma voiture et je me fais piquer par les puces. » Et Shrek m’a sourit, très hautainement. Et je n’étais plus tout à fait sûr d’arriver à m’en faire un copain…<br /> La gonzesse m’a posé d’autres questions, Iznogoud l’a assurée que tout coïncidait, alors elle s’est penchée vers moi et m’a dit : « Confirmez-vous tous les éléments de votre précédente déclaration ? » J’ai senti mon cœur partir à deux cents à l’heure. La gonzesse avait des yeux très clairs, perçants — et très froids. J’ai rassemblé mes esprits en toute vitesse et j’ai regardé la gonzesse droit dans le bleu de l’œil. « Bien sûr, ai-je dit. Pourquoi ça ? <br /> — Votre véhicule est impliqué dans une affaire d’homicide. Nous sommes obligés de le mettre sous scellés. »<br /> Je l’ai regardée d’un air ahuri et j’ai dit d’une voix tremblante : « D’homicide ?<br /> — Oui, une fille de quatorze ans a été renversée avec votre voiture.<br /> — Quelle horreur… »<br /> Et j’ai posé ma main sur ma bouche avant de baisser les yeux. « Une enquête est en cours. On ne s’inquiète pas trop. Normalement ceux qui font ça ont des remords et ils viennent se dénoncer. » J’ai opiné du chef et j’ai dit : « Pardon d’en revenir à ma voiture, mais quand est-ce que je pourrai la récupérer ?<br /> — Ça dépendra du Parquet. Mais pas de sitôt. Désolé. »<br /><br /> Je me suis arrêté chez le médecin avant de rentrer, mais comme je le craignais, le cabinet était fermé. J’ai fait demi-tour en râlant. Et je me suis retrouvé dans les bouchons du centre-ville. Rien n'allait jamais dans mon sens ou quoi ? J’ai commencé à gueuler, tout seul, dans la Mini Cooper. « Putain de merde ! J’en ai ras le cul de ces conneries ! » En plus, je n’arrivais pas bien à voir le feu à cause de ce panda débile. Je lui ai filé une droite et ça a effrayé une grand-mère qui traversait devant moi. « Quoi ? ai-je crié. De quoi je me mêle ? » Cette vieille peau, elle me dévisageait ! Je me suis dit que j’aurais mieux fait de la taper elle plutôt que la gamine, hier… Je venais d'ailleurs de passer à l'endroit du drame. Il y avait encore sur la route un restant de sable qu'ils avaient mis là — pour éponger le sang, sans doute… J'ai senti un frisson me parcourir le dos. Puis des connards m'ont klaxonné : le feu était passé au vert et ils devaient me prendre pour une énième poulette en Mini qui ne sait pas conduire. J'ai passé la première et j'ai décidé de me calmer. Comme la flic l'avait dit, si je commençais à avoir des remords, j’étais foutu. Alors j'ai ignoré ces connards, j'ai oublié la gamine et j'ai passé la première. Je me suis juste concentré sur la route. <br /><br /> Comme d’habitude, ce con de chat a déboulé à toute blinde pendant que je montais sur la descente de garage ; comme d’habitude, j’ai failli l’écraser. « Décidément ! » Je suis sorti en l’engueulant : pas impressionné pour un sous, ce con-là s’est posté devant la porte d’entrée en frétillant de la queue. « Me cherche pas, lui lançai-je. C’est ta faute, tout ce qui m’arrive. » Et puis j’ai ouvert la porte et il a refusé d’entrer, il a reculé dans mes pieds, manquant de me faire tomber. « Putain ! Mais t’es complètement con, ma parole ! » Alors il s’est effrayé et il est parti se réfugier sous le rhododendron. C’est son coin à lui, le massif du rhododendron devant la maison. Il n’arrête pas d’aller chier et pisser dedans, ça fait crever toutes les plantes. Con de chat…<br /> Je ne compris qu’ensuite qu’il n’était pas si con. Une fumée très dense remplissait la maison. J’ai appelé ma femme, les enfants : « Carole ? Mathis ? Hugo ? » Pas de réponse. J’ai commencé à avoir les yeux qui piquent. Je refermai la porte et fis le tour du pavillon. Bonne intuition : ma femme était dans le jardin avec nos deux fils, en blousons. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? m’inquiétai-je. <br /> — C’est l’insecticide. Y en a trois bombes fumigènes qui tuent toutes les puces de la maison. <br /> — Ouais, Papa ! C’est trop bien ! Ça ressemble à du brouillard de guerre !<br /> — Trois bombes ? T’es sûre que c’était nécessaire ?<br /> — Le pharmacien m’a conseillé d’utiliser les grands moyens. C’est solide, ces bêtes-là. <br /> — Maman, elle veut pas qu’on aille dedans jouer au commando…<br /> — Forcément, lui, ça l’arrange bien de t’en vendre trois…<br /> — Jean-Marc, ne sois pas pingre… »<br /> Alors je me suis quand même dit que ça valait bien le coup de vouloir nous faire manger bio à chaque repas si c’était pour ravager la maison avec des produits chimiques par la suite… « Y en a encore pour longtemps ? <br /> — Alors… Ils disent qu’il faut laisser agir deux heures, on a commencé après le goûter, donc… Encore un quart d’heure. <br /> — Super…<br /> — Qu’est-ce qu’ils voulaient au commissariat ?<br /> — M’annoncer une mauvaise nouvelle. Ils gardent la voiture sous scellés. <br /> — Ah bon ? Pourquoi ? »<br /> Alors j’ai regardé mes deux fils. Ils étaient beaux, mes garçons. J’ai pris un air mystérieux et je leur ai dit : « Mathis, Hugo, allez donc voir au fond du jardin. Je crois qu’il y a un hérisson qui revient. <br /> — Où ça ? Où ça ?<br /> — Là-bas, derrière le cabanon. <br /> — Opération commando ! On y va ! »<br /> Je les ai regardé bondir dans la pelouse et avancer accroupis jusqu’au cabanon. Accroupis car leur mère leur a interdit de salir leurs vêtements en rampant par terre. Lorsque mes petits soldats furent assez loin, je me suis retourné vers Carole et lui ai dit : « Celui qui a volé ma bagnole a renversé quelqu’un. <br /> — Oh ! <br /> — Ouais, je préfère ne pas en parler devant les enfants.<br /> — Et... Il est vivant ?<br /> — C’était une gamine de quatorze ans. Elle est morte sur le coup. <br /> — La pauvre… Ça doit être terrible pour les parents. »<br /> <span style="font-style:italic;">Sur le coup</span>… C’était ma première gaffe, ça. Je n'étais pas censé le savoir qu'elle était morte sur le coup, putain ! Alors j’ai posé ma main sur l’épaule de ma femme et j’ai commencé à lui raconter ma journée : Olivier, l’assureur, Shrek, Iznogoud, le cabinet du médecin fermé, mon coup de gueule dans la Mini Cooper. Avec tout ça, j’espérais lui faire oublier <span style="font-style:italic;">sur le coup</span>. « Ah… soupira-t-elle. J’aime bien quand tu me racontes toute ta journée comme ça. J’ai l’impression d’être plus proche de toi. Il faudrait faire ça plus souvent. » Je lui donnai un baiser. Elle me sourit amoureusement et reprit d’un air triste : « C’est quand même horrible cette histoire. Ça me fait bizarre de me dire que c’est arrivé à cause de notre voiture. Tu la prenais tout le temps, on est partis en vacances avec… Ça me fait bizarre. <br /> — Oui, c’est vrai. <br /> — En tout cas, c’est honteux. Les types qui ont fait ça ne se sont même pas arrêtés. Il faut vraiment être dégueulasse pour être capable d’un truc pareil ! »<br /> J’acquiesçai en regardant la fumée se plaquer contre les vitres du salon. Ma femme a poussé un soupir puis elle a dit : « Heureusement qu’elle est morte sur le coup ! Elle n'a pas souffert trop longtemps, comme ça. » <br /></p><div align="right"><small>(Pour lire la suite de ce texte, cliquez <a href="http://jordanprestrot.blogspot.com/2011/03/les-puces-troisieme-partie.html">ici</a>.)</small></div><br /></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-38645832443668556682011-01-09T17:19:00.003+01:002011-01-09T18:22:53.677+01:00Mulhouse : La Filature, troisième année<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5338998155/" title="Mulhouse : La Filature (3) de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5245/5338998155_5e4ce30539_o.jpg" width="652" height="512" alt="Mulhouse : La Filature (3)" /></a><br /><br />Cliquez <a href="http://j.nadroj.free.fr/photos/LA-FILATURE.html">ici</a> pour voir la série complète.Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-15700422632621061222010-12-30T19:15:00.003+01:002010-12-30T19:26:16.706+01:00Le Réveillon de Noël<blockquote><p align="justify">La tante Marie-Jo a fait son coup de calcaire, entre deux gitanes et deux coupes de champagne. Personne n'a compris pourquoi ; personne n'a cherché à se l'expliquer : la tante Marie-Jo, elle est comme ça. Qui rit qui pleure, en fin de réveillon.<br /><br />C'est vrai que sa dinde était un peu rosée. Elle l'aurait balancée de rage par la fenêtre. Mais l'oncle Jean-Luc tenait le couteau et à la découper cette grosse dinde – même rosée. Et puis du sixième étage de la tour, ç'aurait pas été du meilleur effet. De toute façon, la tante Marie-Jo, il fallait juste lui resservir une coupe. Et ça, tout le monde le savait. Alors bon. Tout le monde a préféré rigoler. Et la tante Marie-Jo s'est mise à rire elle aussi. Tout le monde l'avait mangée la dinde, de toute façon : rosée, trop cuite, un peu grillée, peu importe. Personne ne s'est rendu compte d'abord que le coup de rouge de l'oncle Jean-Luc était un peu bouchonné. Tout le monde était déjà bien trop blindé avec les huîtres, le foie gras, le vin blanc et l'apéro – de toute façon, pour le réveillon, on en fait toujours trois fois trop. Y avait que la tante Marie-Jo pour se soucier de la dinde, au fond. La tante Marie-Jo et le gros Patoche en bout de table, engoncé entre le buffet rustique et le sapin de Noël. Il en avait repris deux fois de la dinde et trois fois du rouge bouchonné. Après, il avait eu comme un coup de chaud dans sa polaire à carreaux. En plus, l'oncle Jean-Luc n'avait pas arrêté de le titiller et le gros Patoche avait répondu que c'était forcément un problème de boîte de vitesse, que ça de toute façon c'était toujours le problème avec les Peugeot – ça et l'embrayage. Mais comme il avait repris deux fois de la dinde, lui, la tante Marie-Jo, elle abondait dans son sens. Alors l'oncle Jean-Luc, il lui avait rappelé qu'elle n'y connaissait rien en bagnole et qu'elle n'avait même pas son permis. C'est peut-être pour ça qu'elle a pété un plomb, Marie-Jo. Elle a la contrariété facile, faut dire. Et puis le gros Patoche, il énervait déjà assez l'oncle Jean-Luc comme ça, à tripoter sa gourmette en or gravée Patrick sans arrêt... <br /><br />Pendant ce temps, les gosses arrivaient pas à se tenir tranquilles, ça attendait les cadeaux en piaffant comme une couvée après son asticot. Et c'était pas super facile de tenir sa langue dans la discussion, avec le neveu de quatre ans qui gambade sous la table en demandant quand est-ce qu'il vient le Père Noël. Surtout quand on veut expliquer à sa cousine un peu pompète comment c'était galère à Toys'R'us de trouver son putain de jouet... et que la tante Marie-Jo en remet une couche en disant qu'elle espère gagner la super cagnotte du Loto. « Tu crois encore au Père Noël, Marie-Jo !<br />– Moi je ferais plein de cadeaux à mes petits-enfants.<br />– Sers-nous donc plutôt le trou normand. »<br /><br />Pendant que le gros Patoche sauçait son assiette, on a tous entendu la tante Marie-Jo râler avec l'oncle Jean-Luc dans la cuisine. Quand elle est revenue avec les coupelles sur son plateau et qu'elle a trébuché sur son petit-fils, tout le monde a bien rigolé. La chance qu'elle a eue de ne pas se vautrer sur le parquet ! Elle a tout juste renversé trois coupelles avant de reposer le plateau sur la table et de se pencher sur son petit-fils qui chialait parce qu'elle lui avait écrabouillé le petit doigt. Et tout le monde s'est retourné vers Jonathan, le cadet des cousins, pour s'assurer qu'il avait tout bien filmé. Il a sorti son œil torve du caméscope et il a dit fièrement que c'était dans la boîte. Et l'oncle Jean-Luc, encore dans la cuisine, demandait à Marie-Jo combien il fallait en refaire des trous normands. <br /><br />Après, on a pris le fromage. Encore avec du rouge, pas bouchonné cette fois. Mais comme il était déjà minuit, le gros Patoche a fait deux bouchées de son Camembert, de son Comté et de son Munster, et il s'est levé sur ses semelles à bascule pour aller paraît-il aux toilettes. Les enfants ont fait une drôle de tronche en voyant revenir le père Noël avec son drôle d'habit comme en papier crépon, sa longue barbe comme en peluche et sa grosse gourmette toute brillante. Ça, c'était le moment qu'il devait pas manquer, le cousin Jonathan. Et la vache, il a fait ça sérieusement : il est carrément monté sur sa chaise pour filmer la scène – en plongée, qu'il a expliqué après. Et puis le Père Noël est reparti et le gros Patoche est revenu. Il a repris un coup de rouge et un morceau de Roquefort. <br /><br />La tante Marie-Jo est partie chercher la bûche pendant que l'oncle Jean-Luc débouchait le champagne. Pendant ce temps, on s'est passé de main en main le robot d'un des gamins en cherchant où c'était qu'on mettait les piles. La tante Joséphine a bien tenté de nous convaincre qu'en fait il n'y en avait pas besoin de piles, mais on a préféré quand même demander à Jonathan de voir. Comme ça, en plus, il posait un peu sa caméra. C'est à ce moment que la tante Marie-Jo a posé la bûche sur la table et sur une fourchette qui traînait là. Ça a fait levier pour foutre en l'air une coupe de champagne. Ça a un peu arrosé le robot et les mains de Jonathan, mais pas de quoi en faire tout un plat. Pourtant elle a râlé, la tante Marie-Jo. Surtout avec la tante Joséphine qu'en finissait pas de se marrer. Alors on a trinqué quand même et c'est là que la tante Marie-Jo s'est mise à faire la tronche. Elle restait complètement immobile malgré Jonathan qui la filmait et lui posait tout un tas de questions cons – auxquelles tout le monde répondait à la place de Marie-Jo. L'oncle Jean-Luc a servi la bûche – un tout petit morceau par gourmandise pour tout le monde sauf un grosse tranche pour Patoche. Et puis il a resservi une coupe à Marie-Jo qui avait déjà fini la sienne sans rien dire. Alors il a raconté une histoire drôle, l’histoire d’une pute qui va chez le gynéco, et quand le petit Théo à demander à Marie-Jo : « Mamie, c’est quoi, une pute ? », Marie-Jo a été prise d’un fou rire. « Faut pas dire ça, Théo ! Une pute ! C’est pas beau ! » Mais comme elle en finissait pas de se marrer et que tout le monde se marrait aussi, Théo, il s’est mis à répéter le gros mot encore et encore. Et Marie-Jo, elle l’a supplié d’arrêter « Hou la la, je vais faire pipi dans ma culotte ! »<br /><br />Vers deux heures du matin, quand trois quarts des enfants ronflaient déjà sur le canapé – et le gros Patoche, la main sur la panse, dans le fauteuil – on a débouché la bouteille de St-Yore et on a pris des cafés. On a dit un peu de mal des absents, de la famille qui éclate, tout ça parce que tel oncle ne veut pas quitter sa campagne ou que tel cousin habite maintenant à cinq cents bornes. Et la tante Marie-Jo s'est mise à raconter par le menu détail ce que l'oncle lui avait dit au téléphone, et la tante Joséphine ce que son fils avait dit, lui. Après, la tante Marie-Jo a pris de pastilles Rennie et la tante Joséphine lui a dit que c’était pas raisonnable de rester comme ça avec un mal de ventre chronique sans aller voir un médecin. Alors Marie-Jo, elle a haussé les épaules et allumé une gitane. On s’est demandé pourquoi elle nous faisait chier avec son mal de bide si c’était pour faire comme si de rien n’était juste après. Mais bon, on commençait tous à fatiguer. Alors on a fini la St-Yore puis peu à peu, on a réveillé les enfants et le gros Patoche. Et chacun de son côté, on a repris la route. Y aurait sans doute plus trop de bouchons à cette heure-là ; on pouvait espérer rentrer vite et dormir quatre ou cinq heures avant de remettre ça – le lendemain, à midi. <br /></p></blockquote>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-7489944334196170522010-12-21T00:25:00.004+01:002011-03-04T13:11:15.567+01:00Un refroidissement climatique<p align="center"><object width="640" height="26" classid="clsid:D27CDB6E-AE6D-11cf-96B8-444553540000"><param value="true" name="allowfullscreen"/><param value="always" name="allowscriptaccess"/><param value="high" name="quality"/><param value="true" name="cachebusting"/><param value="#000000" name="bgcolor"/><param name="movie" value="http://www.archive.org/flow/flowplayer.commercial-3.2.1.swf" /><param value="config={'key':'#$aa4baff94a9bdcafce8','playlist':[{'url':'RefroidissementClimatique.mp3','autoPlay':false}],'clip':{'autoPlay':true,'baseUrl':'http://www.archive.org/download/UnRefroidissementClimatique/'},'canvas':{'backgroundColor':'#000000','backgroundGradient':'none'},'plugins':{'audio':{'url':'http://www.archive.org/flow/flowplayer.audio-3.2.1-dev.swf'},'controls':{'playlist':false,'fullscreen':false,'height':26,'backgroundColor':'#000000','autoHide':{'fullscreenOnly':true},'scrubberHeightRatio':0.6,'timeFontSize':9,'mute':false,'top':0}},'contextMenu':[{},'-','Flowplayer v3.2.1']}" name="flashvars"/><embed src="http://www.archive.org/flow/flowplayer.commercial-3.2.1.swf" type="application/x-shockwave-flash" width="640" height="26" allowfullscreen="true" allowscriptaccess="always" cachebusting="true" bgcolor="#000000" quality="high" flashvars="config={'key':'#$aa4baff94a9bdcafce8','playlist':[{'url':'RefroidissementClimatique.mp3','autoPlay':false}],'clip':{'autoPlay':true,'baseUrl':'http://www.archive.org/download/UnRefroidissementClimatique/'},'canvas':{'backgroundColor':'#000000','backgroundGradient':'none'},'plugins':{'audio':{'url':'http://www.archive.org/flow/flowplayer.audio-3.2.1-dev.swf'},'controls':{'playlist':false,'fullscreen':false,'height':26,'backgroundColor':'#000000','autoHide':{'fullscreenOnly':true},'scrubberHeightRatio':0.6,'timeFontSize':9,'mute':false,'top':0}},'contextMenu':[{},'-','Flowplayer v3.2.1']}"> </embed></object><br /><span style="font-style:italic;"><small>Télécharger :</span> <a href="http://www.archive.org/download/UnRefroidissementClimatique/RefroidissementClimatique.mp3">MP3</a> . <a href="http://www.archive.org/download/UnRefroidissementClimatique/RefroidissementClimatique.ogg">OggVorbis</a></small><br />[Musique composée et enregistrée lors d'une panne de chauffage.]</p>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-4251527106790974512.post-13818635730729554882010-12-17T09:01:00.005+01:002010-12-19T16:15:09.966+01:00Facebook<a href="http://www.flickr.com/photos/jordanprestrot/5267711349/" title="Facebook de Jordan Prestrot, sur Flickr"><img src="http://farm6.static.flickr.com/5247/5267711349_ee568b7e86_z.jpg" width="640" height="620" alt="Facebook" /></a><br /><br />1. Superposition de photos de profil. <br />2. Découpage en vignettes. <br />3. Chargement sur un album facebook.<br /><br />Consultation à cette adresse : <a href="http://www.facebook.com/album.php?aid=111332&id=1212718423&l=10449cd984" rel="nofollow">Facebook (2010) de Jordan Prestrot</a>Jordane Prestrothttp://www.blogger.com/profile/04591194659336309405noreply@blogger.com