18 août 2008

Les Moustiques

À la fin du monde, tout cela ne comptera plus du tout.

En attendant, des moustiques volent autour de moi ; j’en sens parfois certains se poser sur ma peau, mais c’est souvent une fausse impression. Tout à l’heure, un papillon de nuit s’est mis à tournoyer dans la pièce, d’une lumière à l’autre. Puis il s’est approché de la bougie et j’ai pensé au poème de Francis Ponge. Surpris par la chaleur de la flamme, le papillon eut un mouvement de recul et se prit les ailes dans la cire bouillante près de la mèche. Il eût quelques soubresauts et s’enfonça un peu plus ; alors, déjà mort ou résigné à le devenir, il ne bougea plus. Moi, je regardais Lost in Translation à la télévision et j’éprouvai une compassion étrange pour l’insecte prisonnier. Le film était assez mauvais. Il n’était pas anodin comme production de l’époque : une jeune fille riche et un riche acteur ringard s’emmerdaient ensemble dans un palace de Tokyo. Je me demandai si le papillon allait être consumé par le feu ou s’il resterait plongé dans la cire jusqu’à la fin. Puis j’allumai une cigarette, bien conscient que la fenêtre laissée ouverte pour aérer permettait à de nombreux moustiques d’entrer. Je ne pouvais rien y faire.

À la fin du film, je me suis senti las. Je commençais à m’endormir, à demi vautré sur le canapé. La choucroute m’avait donné des gaz ; j’avais pété plusieurs fois en regardant Bill Murray. C’est peut-être pour ça que je ne suis pas allé me coucher tout de suite. Dans ton sommeil, il était peu probable que tu sentisses mes flatulences ; cependant, je préférai m’assurer d’une accalmie avant de te rejoindre. C’est ainsi que je me suis retrouvé devant l’ordinateur, pensant que je devais écrire.

Le ventilateur de l’ordinateur ronronne : de l’air chaud est évacué de la tour. Le bruit étouffe celui des moustiques qui entrent avec l’air pur par la fenêtre ouverte. La pièce est une sorte de sas, un entre deux mondes. C’est un petit espace, presque un interstice, un isthme. C’est là que je suis vivant. C’est là que tu l’es aussi. Entre deux agitations mondiales et sous l’assaut des moustiques.

Leurs piqûres sont trop nombreuses.