9 mars 2010

Barbecue

De la bière comme de la pisse, sur nos cuisses grassouillettes débordant des chaises en plastique, avec des chiens à peu près de race y déposant les babines, et quelques bambins sournois qui profitent que les parents sont ivres – pour faire des bêtises.

On a mangé des saucisses, des chips, des côtes de porc, on en a les lèvres qui scintillent et des mots plein de morgue : c’est vrai qu’ils font chier les Arabes, c’est vrai qu’ils font chier les banquiers, c’est vrai qu’ils sont pourris les politiques, c’est vrai qu’ils font chier les flics… Mais c’est quand même bien d’avoir creusé la piscine, avec les enfants, c’est pratique, surtout vu la chaleur cet été – et le réchauffement climatique. Moi j’ai fait installer des panneaux photovoltaïques, il y a crédit d’impôt en ce moment… Et puis on parle un peu de principes, ce qu’en dit un type à la télé – mais c’est quand même réducteur, mais c’est quand même assez vrai – oui, tout à fait.

Et le soleil cogne comme l’alcool ; les enfants jouent avec les chiens. Parfois ça gronde quelques secondes puis on oublie de les gronder – café ? – oui, s’il te plaît.

Les garçons jouent au football avec le papa sportif du lot. On craint l’orage quelques instants, on fume encore – c’est un peu trop. Et il y a l’ado qui s’emmerde entre les mioches et les vieux cons, sa gueule comme une calculette, son nez luisant de comédons. – Ya pas à dire, il fait beau temps – Maman, j’ai perdu ma tong. Et puis on parle de la grand-mère, de son cancer, des infirmières. On compatit suffisamment – bon, va pas gâcher la journée ; on s’étend négligemment sur les transats dépliés.

Et le soleil, cette grosse boule, brûlant, ardant, tout au dessus, il reste patient comme un caillou sur lequel s’écorche un genou, sur lequel pleure un enfant.