17 févr. 2011

Le Livre des espaces, extrait n°1 : Incipit

Le Livre des espaces est le roman que j'ai écrit de 2006 à 2010.
Je suis actuellement à la recherche d'un éditeur.

            Ce poids, plat, pèse sur ma tête, mon bras, me pousse à la renverse, me tend dans un vertige, entre deux plans, deux eaux, deux mondes ; ce poids, plat, pèse sur moi ; ma nuque de pierre et mes os de glace se fêlent ; ce poids, puissant, brise mon souffle. C’est comme si une partie de moi s’enfonçait dans le sol, sous le poids, tandis que l’autre s’élevait autour pour épouser la pression subie. Je ne ressens plus rien que le froid, là, au fond du ventre, et ce cuivre tonitruant, là, à la pointe du front. Le reste n’existe pas. Pas pour l’instant. Et puis… Aucun mouvement n’est possible, aucune pensée qui suive… car, je n’ai pas la force… Je dois dormir — encore. Et je replonge. Mais comme manquant la marche, toujours. Toujours plus bas, et plus bas encore. On n’attend jamais le choc, les yeux ouverts. On les ferme toujours bien avant l’impact. C’est le poids des paupières qui toujours précède ; ce poids, noir, là, qui pèse…
            L’odeur, aussi, est nouvelle. C’est une odeur profonde, humaine, viscérale : la mienne. Je ne m’étais jamais senti ainsi, comme victime d’une inversion du souffle, d’un retournement. Jamais ainsi, flairé de l’intérieur. L’odeur est riche et violente. Elle m’assomme tout comme elle m’aide par relents à ne pas sombrer totalement. Soudain elle épaissit, elle gonfle, entre le poids et moi ; elle se fait bruit, vrombissement, chaos puis pure vibration. Non, cette odeur n’est plus nouvelle : elle est première. Elle vient de loin, du bout de mon essence, du bout de mon histoire. Et bientôt, comme sa plus juste traduction, l’accompagnera le cri du réveil ou de l’abandon, celui de la fin ou du recommencement, ce cri qui danse déjà, là, au fond de mes entrailles, qui cabriole et vrille jusqu’à trouver son élan, ce cri qui remontera mon corps amorphe et froid, réveillera toutes ses fêlures et ses maux, ce cri de l’homme perdu et terrifié, ce cri du feu, de l’horreur et de la recréation. Oui ! bientôt jaillira le cri ! Et l’image du démon.